mercredi 28 juillet 2010

D’Haïti, depuis trois ans

Même si je n’attends plus et que les mots ne veulent plus de moi, je continue
de souffrir. Sous les décombres, les phrases refusent l’accent de mes mots, et
volent au dessus de ma tête comme des oiseaux migrateurs, oubliant ceux de mes cris, et s’envolant vers ailleurs. Je dois donc attendre, encore. J’espère tête contre sol, sang contre terre, pouvoir enfin comprendre. Je suis ici seul avec mon silence, sans rythme et fredonnant des sons. Des sons de souffrance, des bruits, des nuits et des jours. J’ai peur, froid, et puis je pleure. Maman ne viendra pas, papa non plus. Tout tombe sur moi, j’en perds le sens, le goût et l’envie. Sans espoir je glisse, moi, trois ans, vers les décombres du néant en espérant une main qui peut-être me saisira. Rien. Les sons qui se rendent à mes oreilles ne sont que ceux que j’ose connaître, peu nombreux et perdu par l’acouphène naissant de mes oreilles et par les respires saccadés de mes pleurs. Dans ma tête, il y a des formes que je reconnais. Par chance, un éléphant est là, je l’aime, il est bleu. J’ai encore peur, mais, même les yeux fermés, l’éléphant est avec moi. Je n’ai plus de souffle, il ne sort que des nuages de sa trompe, mais me sourit. Ses défenses blanches sont avec moi et je ris dans ma tête, sous le regard figé de mon corps. Je suis étourdi, mais tout me semble moins lourd et en oubliant de respirer, le gris devient bleu, le bleu devient blanc et puis tout devient vapeur. Je me sens mieux, léger, libre et puis je m’envole en regardant le ciel et en entendant la voix de maman qui m’appelle. Je fuis alors le sol, traverse les décombres de chez moi et délaisse mon corps. Je fuis la douleur, la vie, mon moi et rejoins les bras de celle que j’aime et qui m’attend en haut, toute rose, me souriant, volant au dos de mon éléphant ailé.

À tous ceux oubliés sous les toits.

2 commentaires:

  1. J'ai hâte à mercredi prochain...

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  2. J'aime !
    Je suis maintenant membre de ton blog :) J'ai hâte qu'on se voit écris moi quand tu peux XX

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