mercredi 28 juillet 2010

Ma ville imaginaire

Un dernier souffle à Neir

Le marcheur épuisé cesse de tourbillonner et pénètre à Neir, cette ville sans cartes, sans routes connues et sans lieux éclairés. Celle où il fait toujours noir et dont les murs taciturnes ne sont que le reflet des toits sombres, où les fenêtres toujours givrées ne sont que le miroir d’un extérieur doux et ensoleillé d’où les corridors qui reniflent la mort ne sont que les narines de la ville, vides d’expiration et d’odeur. Étourdi, l’étranger remarque le plancher plat qui lui rappel celui d’un corps mort, étendu sous l’épitaphe de sa vie et songe à son impossible dalle. Ne se reconnaissant pas, il reste tout de même identique. Il n’a pas changé sauf qu’il est sans souffle et immobile. Sans marée et sans se lever, le trotteur a traversé Neir, mais n’a rien vu, n'a connu personne, mais a tout remarqué et tout compris.

Sans yeux pour les regarder, les couleurs n’existent pas. Sans personne pour le ressentir, le chaud ne brûle pas. Sans la vie, il n’y a que la mort et sans corps il ne reste que l’esprit, invisible. La mort a laissé sa trace à Neir, elle y a tout balayé, et si personne ne rit, alors plus rien ne vit.

L’étrange vent, repoussé par l’opposé se sent inutile à Neir et se dit qu’ici, le dessin n’est qu’un barbouillage, qu’un étendu sans sens qui ne comprend plus la raison de sa création. Sans visage à caresser, il songe aux lignes, au fait qu’elles sont à Neir que la réponse sans équivoque de la somme précise de l’équation : Neir – la vie = rien, tout comme le tout d’un vide.

Et soudain entra l’impératrice, cette femme digne dont la seule présence illumine ce qui l’entoure. Elle est la lueur d’espoir du noir, de la ville oubliée de Neir. Tête haute et sceptre à la main, elle ramènera peut-être l’ordre dans ce cahot invisible. L’impératrice, fière, parcourt les rues désertes de cette ville spectre. Tout d’un coup, sans aviser, un vent la saisit, la faisant frissonner. Perdant de sa couleur et de sa candeur, elle continue tout de même de marcher, face au vent dont la force s’amplifie. Pas après pas, elle reste au même endroit et son sourire perd de sa longueur. Fixant le vide, elle se laisse tomber au sol et s’abandonne à l’étrange souffle qui la ramène aux abords de la ville, vis-à-vis de l’écriteau qui lui souhaite la bienvenue.

Incapable de répondre à sa promesse bénéfique et d’apporter de la couleur à Neir, elle appelle la Tempérance. Aussitôt, d’entre les nuages apparaît une jeune femme ailée habillée de bleu et de rouge. Cette médiatrice pourra, peut-être, de sa cruche laisser couler une réserve de vie, purifier à flots cet univers disparut. À deux, elles pourront possiblement répandre un peu de vie dans ce défunt décor. Sincérité et sérénité riment avec l’espoir de leur présence, de cette union de force plus solide qu’une unité.

Nez pointant le ciel, elles entreprennent l’ascension vers leur but. Les pieds lourds en traversant les ténèbres, elles s’y rapprochent. L’étranger, fort et puissant obstrue leur route, mais ensemble, sans reculer, le duo résiste à l’harmattan. Ordonnant leur règne et purifiant les eaux, le gris s’estompe et apparaît sont antithèse, écarlate et magnifique. Débouclée est la boucle et saine sera leur présence ici, sous le regard de ceux qui trouveront refuge en cette nouvelle ville, celle de Riopse.

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